mardi 6 avril 2010

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éditorial,
par Matthieu Marie-Céline


Dans cette nouvelle ère, hors saison devenue, le poème est de moins en moins prisonnier de son temps. Et pour souligner cette vision, le Hurlement de Ginsberg que notre collectif fait tourner depuis décembre déjà et qui n’a pas pris une ride, porte son évidente actualité à mon cerveau. Je pense régulièrement dans une idée analogue que le poème sait s’écrire dans tous nos gestes et tous nos agissements, avant de passer par les mots. Sans dogme ou quelque diktat que ce soit, nous soumettant encore. Je crois qu’il suinte, qu’il transpire les murs et déshabille les êtres. Qu’il nettoie la race humaine de cette crasse dont elle sait si bien se parer et la révèle.

Ce mois-ci deux déclinaisons de cette approche vous seront présentées : la première, à nue, autrement dit sans musique sinon celle des poètes seuls, une nouvelle lecture proposée par dixit au Cherche Ardeur autour de Whitman et autres Pessoa ou Garcia Lorca, le 15 avril aux alentours de 20 heures ; la seconde est une rencontre des mots avec la matière sonore conçue par Thierry Acot-Mirande et les musiciens qui l’accompagnent, le 22 avril prochain, même lieu et place. Et s’il s’agit de rencontre entre la musique et les mots, il s’agit aussi de rencontre entre son auteur et le poème qu’il tonne. Comme il s’agit de matière avec les mots. De cette matière à travailler, à triturer, de cette matière que l’on tente peut-être bien de dompter ; pour écrire, passer par le corps en premier comme l’attestent les Techniciens du sacré, dompter le verbe comme il en va de dompter les muscles. Et de semaine en semaine, de mois en mois, au travers de nos propositions toujours faites des poèmes que l’on vient défendre, au travers de nos déchiffrages toujours subjectifs d’hommes et de femmes dont on aime partager la poésie comme ce mois-ci avec Jean-Pierre Duprey : révéler cette matière ou plutôt faire en sorte qu’elle nous révèle. Et dresser chaque verbe à sa place propre pour ériger l’édifice.

Edifice d’autant plus difficile à monter que l’ère nouvelle, encore elle, est souvent malhonnête – ce qui du reste n’est pas propre à notre vingt et unième siècle – et force la vigilance de chacun. Enfin : ne pas oublier que l’époque est à nous et qu’il ne tient qu’à la race humaine de la rendre viable, à tout le moins supportable. Si c’est là l’ambition que l’on s’autorise.



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